CHAPITRE 15 : LE GRAND CONSEIL
Le capitaine Olivier Misson trônait au centre de la pièce. Son visage balafré s’éclaira d’un sourire mauvais quand Alex et Jonathan furent amenés devant lui. Jonathan qui n’avait jamais assisté au Grand Conseil des pirates écarquillait les yeux. C’est Misson qui prit la parole le premier. Alex pensa qu’il semblait avoir pris de l’importance depuis la dernière fois !
– Je déclare ouvert notre Grand Conseil qui siège aujourd’hui comme Tribunal Suprême des Hommes Libres de Libertalia pour juger le traître Thomas Tew et ses complices ici présents.
Il avait désigné Jonathan et Alex d’un doigt vengeur.
Jonathan essaya de protester :
– Traîtres, nous ? Traîtres à qui ?
– Silence morveux ou je te fais bâillonner ! Tu parleras quand on t’en donnera l’autorisation.
Assis au premier rang, le capitaine Flinch n’avait pas l’air de plaisanter.
Jonathan regarda
Alex qui lui fit signe de se taire. Il décida d’attendre.
– Qui veut prendre la défense des prisonniers ?
– Moi, je veux bien…
Monsieur Louis s’était approché de la grande table derrière laquelle les deux garçons étaient assis.
Misson souriait toujours :
– Cela ne m’étonne pas de vous, Monsieur Louis. Toujours cette vieille amitié pour le cher Thomas !
– Je vous ai juré fidélité Olivier, vous le savez bien ! Mais nos lois commandent que tout accusé ait droit à un défenseur et je suis celui qui connaît le mieux Thomas, Alex et même ce jeune homme venu d’on ne sait où ! protesta le vieux marin.
– Je suis sûr de votre loyauté Louis, et vous avez raison, nous sommes ici pour appliquer nos lois, toutes nos lois, et même celles qui punissent de mort la trahison !
Qu’on lise l’acte d’accusation !
Un vieux pirate se leva et déroula un grand parchemin. Il se racla la gorge avant de commencer.
Il semblait avoir un peu de mal à déchiffrer les mots :
– Hmmm ! Le … dénommé … Thomas … Tew …
Misson l’interrompit brutalement
– Peut-on donner ce fichu parchemin à quelqu’un qui sait lire l’anglais ou vais-je aussi devoir le faire ?
Les pirates éclatèrent de rire.
– Ce vieux Johnny a passé plus de temps de sa vie devant une bouteille de rhum que devant des parchemins !
– Tu as raison ! C’est moi qui vais le lire !
Flinch arracha brutalement le parchemin des mains du vieux pirate :
– Le dénommé Thomas Tew, qui se fait appeler maintenant Thomas White, est accusé d’avoir abandonné et trahi ses frères en renonçant à la piraterie, en servant les intérêts de la reine d’Angleterre et en pactisant avec les sauvages de Madagascar.
Ainsi c’était ça que Misson reprochait à White : ne plus se comporter en pirate sanguinaire quand il attaquait un navire mais en corsaire de l’Angleterre et surtout d’avoir épousé une reine malgache !
Flinch continua sa lecture :
– Le dénommé Alexander dit Alex est accusé d’avoir trahi les lois sacrées de Libertalia en n’hésitant pas à faire tuer ses frères pirates pour venir délivrer le dénommé Jonathan ici présent, avec l’aide des sauvages.
Alex ne put s’empêcher de crier :
– Mais c’est vous qui avez trahi le Capitaine Thomas …
Il ne put en dire plus, un gros gaillard l’avait assommé d’un coup de poing.
Sans broncher, Misson reprit :
– Le dénommé Jonathan est accusé d’être un espion à la solde de l’Angleterre.
– Ah non ! Ca recommence ! hurla Jonathan qui n’avait pas oublié que les soldats français l’avaient aussi pris pour un espion anglais quand il s’était retrouvé à l’Ile de France.
Le coup qu’il reçut sur la tête lui fit perdre connaissance.
Quand il revint à lui, Jonathan était allongé sur le sol. Comme il essayait de se relever, il constata que ses mains étaient ligotées dans son dos. Il découvrit qu’Alex, encore inconscient, gisait près de lui. Ils avaient été enfermés dans la pièce où Jonathan avait été retenu prisonnier avant qu’Alex ne revienne le délivrer.
– Alex, appela doucement Jonathan.
Le jeune homme ouvrit les yeux :
– Que s’est-il passé ?
– Ils nous ont assommés l’un après l’autre pour nous empêcher de nous défendre. Elles sont belles les lois de Libertalia !
– Ces lois sont justes mais c’est Misson qui les trahis, protesta calmement Alex. Tu penses qu’ils nous ont condamnés à mort ?
– Je n’en sais rien, j’ai raté la fin du film ! sourit Jonathan qui essayait de garder un peu d’humour.
– La fin du quoi ? – Du film ! Jonathan réalisa que ce mot n’existait pas au début du 18ème siècle. C’est une invention de … mon époque.
– Ah oui, j’oubliais que tu es un voyageur du temps ! Alex se mit à rire malgré son crane qui , lui faisait encore un peu mal.
– Je sais que c’est très difficile à croire !
– Difficile ? Tu plaisantes ! Comment pourrait-on voyager dans le temps ? Avec un cheval ?
– Je ne sais pas comment il se fait que je voyage dans le temps mais c’est la réalité.
D’ailleurs, je viens d’une époque où l’on n’utilise plus les chevaux pour se déplacer ! On a trouvé beaucoup plus rapide qu’eux ! Et puis on voyage aussi dans les airs et même dans l’espace !
Alex arrêta de rire et il regarda fixement son compagnon. Jonathan n’avait pas l’air d’un fou et pourtant il racontait des choses invraisemblables.
Au regard d’Alex, Jonathan comprit qu’il ne pourrait pas le persuader de le croire. Il n’avait ,aucune preuve à lui apporter. Avant qu’il n’ait trouvé quelque chose à ajouter, la porte de leur prison s’ouvrit et Monsieur Louis fit son apparition accompagné de deux autres pirates.
– Je suis désolé les garçons mais j’ai de mauvaises nouvelles.
– Ah bon ? fit semblant de s’étonner Jonathan. Ce cher capitaine Misson est toujours décidé à nous pendre ?
– Non, j’ai quand même réussi à le convaincre d’épargner vos vies. Alex restera à Libertalia tant que Thomas Tew, enfin White, n’aura pas versé une rançon de mille pièces d’or.
– Mille pièces d’or ! Diable, je ne pensais pas valoir aussi cher. Et Jonathan, lui, combien vaut-il ?
Louis se gratta la tête.
– Pour Jonathan, c’est différent, Misson n’est pas sûr que Thomas veuille payer quoi que ce soit pour lui. Il a donc décidé de … le vendre comme esclave !
– Non, pas comme esclave, cria Alex. Il n’a pas mérité ça, ou alors je veux être aussi esclave avec lui.
– Ne t’en fais pas Alex. Je dois suivre mon destin. Toi, tu seras bientôt libre car je suis sûr que Thomas, je veux dire le capitaine White va payer ta rançon. Il te considère comme son fils.
– Oui, j’en suis sûr aussi, mais tu ne sais pas ce que c’est que d’être un esclave !
– Si, je le sais. C’est une longue histoire …
– Tu la lui raconteras quand tu le retrouveras, peut-être en enfer ! ricana l’un des pirates qui avait accompagné Monsieur Louis. Il releva brutalement Jonathan et le fit sortir de la pièce.